Léda - L'étude des animaux

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Vautour

23 - 79 - Pline l'Ancien - Histoire naturelle Livre X 7 - Les vautours
Livre XXIX 24 - Remèdes tirés des oiseaux contre les serpents: du vautour.

Vautour Condor Buffon jpg
Vautour - Condor - Buffon - Hist. nat. - Source

Parmi les vautours les plus forts sont les noirs. Personne n'a atteint leur nid; aussi des auteurs ont pensé que ces oiseaux arrivaient d'un autre hémisphère: c'est une erreur. Le fait est qu'ils font leur nid sur des rochers excessivement élevés; on aperçoit souvent leurs petits, au nombre de deux presque toujours. Umbricius, le plus habile des aruspices de notre temps, prétend qu'ils pondent trois oeufs, que l'un de ces oeufs leur sert à purifier les autres et le nid même, et est ensuite rejeté par eux. Il ajoute qu'ils arrivent trois jours d'avance dans les lieux où il doit y avoir des cadavres.

Parmi les oiseaux, les vautours sont ceux dont on retire le plus de secours contre les serpents. On a noté que les noirs ont moins de vertu. L'odeur de leurs plumes brûlées met, dit-on, les reptiles en fuite. On assure qu'en portant sur soi le coeur de cet oiseau, on est à l'abri, non seulement des attaques des serpents, mais encore de celles des bêtes féroces, des voleurs, et de la colère des rois.

1707 - 1788 - Comte de Buffon - Histoire naturelle Tome 16 - Les vautours [extrait]

L’on a donné aux aigles le premier rang parmi les oiseaux de proie, non parce qu’ils sont plus forts et plus grands que les vautours, mais parce qu’ils sont plus généreux, c’est-à-dire moins bassement cruels; leurs mœurs sont plus fières, leurs démarches plus hardies, leur courage plus noble, ayant au moins autant de goût pour la guerre que d’appétit pour la proie; les vautours au contraire, n’ont que l’instinct de la basse gourmandise et de la voracité; ils ne combattent guère les vivans que quand ils ne peuvent s’assouvir sur les morts. L’aigle attaque ses ennemis ou ses victimes corps à corps; seul il les poursuit, les combat, les saisit; les vautours au contraire, pour peu qu’ils prévoient de résistance, se réunissent en troupes comme de lâches assassins, et sont plutôt des voleurs que des guerriers, des oiseaux de carnage que des oiseaux de proie; car dans ce genre, il n’y a qu’eux qui se mettent en nombre et plusieurs contre un; il n’y a qu’eux qui s’acharnent sur les cadavres au point de les déchiqueter jusqu’aux os; la corruption, l’infection les attire au lieu de les repousser: les éperviers, les faucons et jusqu’aux plus petits oiseaux montrent plus de courage, car ils chassent seuls, et presque tous dédaignent la chair morte, et refusent celle qui est corrompue; dans les oiseaux comparés aux quadrupèdes, le vautour semble réunir la force et la cruauté du tigre, avec la lâcheté et la gourmandise du chacal, qui se met également en troupes pour dévorer les charognes et déterrer les cadavres; tandis que l’aigle a, comme nous l’avons dit, le courage, la noblesse, la magnanimité et la munificence du lion. [...]

Ce portrait du vautour est dressé en comparaison avec l'aigle, tout comme celui du tigre par rapport au lion.

1818 - 1894 -Charles-Marie Leconte de Lisle - Le Sommeil du Condor

Par-delà l'escalier des roides Cordillières,
Par-delà les brouillards hantés des aigles noirs,
Plus haut que les sommets creusés en entonnoirs
Où bout le flux sanglant des laves familières,
L'envergure pendante et rouge par endroits,
Le vaste Oiseau, tout plein d'une morne indolence,
Regarde l'Amérique et l'espace en silence,
Et le sombre soleil qui meurt dans ses yeux froids.
La nuit roule de l'est, où les pampas sauvages
Sous les monts étagés s'élargissent sans fin ;
Elle endort le Chili, les villes, les rivages,
Et la mer Pacifique, et l'horizon divin ;
Du continent muet elle s'est emparée :
Des sables aux coteaux, des gorges aux versants,
De cime en cime, elle enfle, en tourbillons croissants,
Le lourd débordement de sa haute marée.
Lui, comme un spectre, seul, au front du pic altier,
Baigné d'une lueur qui saigne sur la neige,
Il attend cette mer sinistre qui l'assiège :
Elle arrive, déferle, et le couvre en entier.
Dans l'abîme sans fond la Croix australe allume
Sur les côtes du ciel son phare constellé.
Il râle de plaisir, il agite sa plume,
Il érige son cou musculeux et pelé,
Il s'enlève en fouettant l'âpre neige des Andes,
Dans un cri rauque il monte où n'atteint pas le vent,
Et, loin du globe noir, loin de l'astre vivant,
Il dort dans l'air glacé, les ailes toutes grandes.