Léda - L'étude des animaux

Mythes - Poésies - Légendes - Histoires naturelles

Prophète - Saint

Prophètes et saints semblent parfois déjà habiter ce paradis dont Esaïe (ou Isaïe) annonçait la venue et où règne une douce harmonie entre les hommes et les animaux. Ainsi le prophète Elie fut-il ravitaillé par les corbeaux (l'expression vient sans doute de ce passage biblique, voir en complément les pages Expression et Colombe - Corbeau) lorsqu'il était au bord du torrent Kerith. Le prophète Daniel passa une nuit dans la fosse aux lions sans être dévoré et même six jours d'après le supplément grec.

Bible Louis Segond

Esaïe 11 6-8

Le loup habitera avec l'agneau,
Et la panthère se couchera avec le chevreau ;
Le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble,
Et un petit enfant les conduira.
La vache et l'ourse auront un même pâturage,
Leurs petits un même gîte ;
Et le lion, comme le boeuf, mangera de la paille.
Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère,
Et l'enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic.

1 Rois 17 2-6

Et la parole de l'Éternel fut adressée à Élie, en ces mots: Pars d'ici, dirige-toi vers l'orient, et cache-toi près du torrent de Kerith, qui est en face du Jourdain. Tu boiras de l'eau du torrent, et j'ai ordonné aux corbeaux de te nourrir là. Il partit et fit selon la parole de l'Éternel, et il alla s'établir près du torrent de Kerith, qui est en face du Jourdain. Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande le matin, et du pain et de la viande le soir, et il buvait de l'eau du torrent.

Bible Augustin Crampon

Daniel 14 28-42

Ils vinrent donc trouver le roi et lui dirent: Livre-nous Daniel; sinon, nous te ferons mourir, toi et ta maison. Le roi vit qu'ils se jetaient sur lui avec violence; cédant à la nécessité, il leur livra Daniel. Ils le jetèrent dans la fosse aux lions, et il y demeura six jours. Dans la fosse, il y avait sept lions, et on leur donnait chaque jour deux corps et deux brebis; mais alors on ne leur donna pas cette pâture, afin qu'ils dévorassent Daniel.

Or le prophète Habacuc était en Judée; après avoir fait cuire une bouillie et émietté du pain dans un vase, il allait aux champs le porter à ses moissonneurs. L'ange du Seigneur dit à Habacuc: Porte le repas que tu tiens à Babylone, à Daniel, qui est dans la fosse aux lions. Habacuc dit: Seigneur, je n'ai jamais vu Babylone, et je ne connais pas la fosse. Alors l'ange le prit par le haut de la tête, le porta, par les cheveux de sa tête, et le déposa à Babylone, au-dessus de la fosse, avec toute l'agilité de sa nature spirituelle. Et Habacuc cria: Daniel, serviteur de Dieu, prends le repas que Dieu t'envoie. Daniel répondit: Vous vous êtes, en effet, souvenu de moi, ô Dieu, et vous n'avez pas abandonné ceux qui vous aiment. Et Daniel se leva et mangea. Et l'ange du Seigneur remit aussitôt Habacuc en son lieu.

Le septième jour, le roi vint pour pleurer Daniel; étant venu vers la fosse, il regarda, et voici que Daniel était assis au milieu des lions. Il cria à haute voix et dit: Vous êtes grand, Seigneur, Dieu de Daniel, et il n'y en a point d'autre que vous! Et il le retira de la fosse aux lions. Puis il fit jeter dans la fosse ceux qui avaient voulu le perdre, et ils furent dévorés sous ses yeux, en un instant. Alors le roi dit: Que tous les habitants de la terre entière craignent le Dieu de Daniel, car c'est lui qui est le Sauveur, qui fait des signes et des prodiges sur la terre, lui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions!

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Elie au désert - Washington Allston - Source
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Daniel et les lions - Teniers le Jeune - Source

La page Lion bis présente le poème Les Lions de Victor Hugo inspiré par cette légende du Livre de Daniel.


1228? - 1298 - Jacques de Voragine / M. Roze - La Légende dorée

De nombreux saints vécurent en bonne entente avec des être mythologiques et des animaux, à moins que ce ne fût des dragons. Ainsi saint Paul l'Ermite fut aussi ravitaillé par les corbeaux dans le désert, saint Malo célébra l'office de Pâques sur le dos d'une baleine, saint Pacôme traversait le Nil à dos de crocodile, saint François d'Assise prêcha aux oiseaux et saint Antoine de Padoue aux poissons, saint Magloire était suivi par toutes les bêtes de la forêt mais saint Georges combattit un dragon.

Saint Paul [extrait]

[...] Saint Paul effrayé par de pareils tourments et par d'autres encore, alla au désert. Antoine se croyait alors le premier des moines qui vécût en ermite; mais averti en songe qu'il y en a un meilleur que lui de beaucoup, lequel vivait dans un ermitage, il se mit à le chercher à travers les forêts; il rencontra un hippocentaure cet être moitié homme, moitié cheval, lui indiqua qu'il fallait prendre à droite. Bientôt après, il rencontra un animal portant des fruits de palmier, dont la partie supérieure du corps avait la figure d'un homme et la partie inférieure, la forme d'une chèvre. Antoine le conjura de la part de Dieu de lui dire qui il était; l’animal répondit qu'il était un satyre, le Dieu des bois, d'après la croyance erronée des gentils. Enfin il rencontra un loup qui le conduisit à la cellule de saint Paul.

Mais celui-ci ayant deviné que c'était Antoine qui venait, ferma sa porte. Alors Antoine le prie de lui ouvrir, l’assurant qu'il ne s'en ira pas de là, mais qu'il y mourra plutôt. Paul cède et lui ouvre, et aussitôt ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre en s'embrassant. Quand l’heure du repas fut arrivée, un corbeau apporta une double ration de pain: or, comme Antoine était dans l’admiration, Paul répondit que Dieu le servait tous les jours de la sorte, mais qu'il avait doublé la pitance en faveur de son hôte. Il y eut un pieux débat entre eux pour savoir qui était le plus digne de rompre ce pain: saint Paul voulait déférer cet honneur à son hôte et saint Antoine à son ancien. Enfin ils tiennent le pain chacun d'une main et le partagent également en deux.

Saint Antoine, à son retour, était déjà près de sa cellule, quand il vit des anges portant l’âme de Paul, il s'empressa de revenir, et trouva le corps de Paul droit sur ses genoux fléchis, comme s'il priait; en sorte qu'il le pensait vivant; mais s'étant assuré qu'il était mort, il dit: O sainte âme, tu as montré par ta mort ce que tu étais dans ta vie. Or, comme Antoine était dépourvu de ce qui était nécessaire pour creuser une fosse, voici venir deux lions qui en creusèrent une, puis s'en retournèrent à la forêt, après l’inhumation. Antoine prit à Paul sa tunique tissée avec du palmier, et il s'en revêtit dans la suite aux jours de solennité. Il mourut environ en l’an 287.

Saint Georges [extrait]

Georges, tribun, né en Cappadoce, vint une fois à Silcha, ville de la province de Lybie. A côté de cette cité était un étang grand comme une mer, dans lequel se cachait un dragon pernicieux, qui souvent avait fait reculer le peuple venu avec des armes pour le tuer; il lui suffisait d'approcher des murailles de la ville pour détruire tout le monde de son souffle. Les habitants se virent forcés de lui donner tous les jours deux brebis, afin d'apaiser sa fureur; autrement, c'était comme s'il s'emparait des murs de la ville; il infectait l’air, en sorte que beaucoup en mouraient.

Or, les brebis étant venues à manquer et ne pouvant être fournies en quantité suffisante, on décida dans un conseil qu'on donnerait une brebis et qu'on y ajouterait un homme. Tous les garçons et les filles étaient désignés par le sort, et il n'y avait d'exception pour personne. Or, comme il n'en restait presque plus, le sort vint à tomber sur la fille unique du roi, qui fut par conséquent destinée au monstre. Le roi tout contristé dit: Prenez l’or, l’argent, la moitié de mon royaume, mais laissez-moi ma fille, et qu'elle ne meure pas de semblable mort. Le peuple lui répondit avec fureur: O Roi, c'est toi, qui as porté cet édit, et maintenant que tous nos enfants sont morts, tu veux sauver ta fille? Si tu ne fais pour ta fille ce que tu as ordonné pour les autres, nous te brûlerons avec ta maison.

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St Georges et le dragon - Gustave Moreau - Source

En entendant ces mots, le roi se mit à pleurer sa fille en disant: Malheureux que je suis! ô ma tendre fille, que faire de toi? que dire? je ne verrai donc jamais tes noces? Et se tournant vers le peuple: Je vous en prie, dit-il, accordez-moi huit jours de délai pour pleurer ma fille. Le peuple y ayant consenti, revint en fureur au bout de huit jours, et il dit au roi: Pourquoi perds-tu le peuple pour ta fille? Voici que nous mourons tous du souffle du dragon. Alors le roi, voyant qu'il ne pourrait délivrer sa fille, la fit revêtir d'habits royaux et l’embrassa avec larmes en disant: Ah que je suis malheureux! ma très douce fille, de ton sein j'espérais élever des enfants de race royale, et maintenant tu vas être dévorée par le dragon. Ah! malheureux que je suis! ma très douce fille, j'espérais inviter des princes à tes noces, orner ton palais de pierres précieuses, entendre les instruments et les tambours, et tu vas être dévorée par le dragon. Il l’embrassa et la laissa partir en lui disant: O ma fille, que ne suis-je mort avant toi pour te perdre ainsi! Alors elle se jeta aux pieds de son père pour lui demander sa bénédiction, et le père l’ayant bénie avec larmes, elle se dirigea vers le lac.

Or, saint Georges passait par hasard par là, et la voyant pleurer, il lui demanda ce qu'elle avait. Bon jeune homme, lui répondit-elle, vite, monte sur ton cheval; fuis, si tu ne veux mourir avec moi. N'aie pas peur, lui dit Georges, mais dis-moi, ma fille, que vas-tu faire en présence de tout ce monde? Je vois, lui dit la fille, que tu es un bon jeune homme; ton coeur est généreux: mais pourquoi veux-tu mourir avec moi? vite, fuis! Georges, lui dit: Je ne m’en irai pas avant que tu ne m’aies expliqué ce que tu as. Or, après qu'elle l’eut instruit totalement, Georges lui dit: Ma fille, ne crains point, car au nom de Jésus-Christ, je t'aiderai. Elle lui dit: Bon soldat! mais hâte-toi de te sauver, ne péris pas avec moi! C'est assez de mourir seule; car tu ne pourrais me délivrer et nous péririons ensemble.

Alors qu'ils parlaient ainsi, voici que le dragon s'approcha en levant la tête au-dessus du lac. La jeune fille toute tremblante dit: Fuis, mon seigneur, fuis vite. A l’instant Georges monta sur son cheval, et se fortifiant du signe de la croix, il attaque avec audace le dragon qui avançait sur lui: il brandit sa lance avec vigueur, se recommande à Dieu, frappe le monstre avec force et l’abat par terre: Jette, dit Georges à la fille du roi, jette ta ceinture au cou du dragon; ne crains rien, mon enfant. Elle le fit et le dragon la suivait comme la chienne la plus douce.

Or, comme elle le conduisait dans la ville, tout le peuple témoin de cela se mit à fuir par monts et par vaux en disant: Malheur à nous, nous allons tous périr à l’instant! Alors saint Georges leur fit signe en disant: Ne craignez rien, le Seigneur m’a envoyé exprès vers vous afin que je vous délivre des malheurs que, vous causait ce dragon seulement, croyez en Jésus-Christ, et que chacun de vous reçoive le baptême, et je tuerai le monstre. Alors le roi avec tout le peuple reçut le baptême, et saint Gorges, ayant dégainé son épée, tua le dragon et ordonna de le porter hors de la ville. Quatre paires de boeufs le traînèrent hors de la cité dans une vaste plaine. Or, ce jour-là vingt mille hommes furent baptisés, sans compter les enfants et les femmes.

Quant au roi, il fit bâtir en l’honneur de la bienheureuse Marie et de saint Georges une église d'une grandeur admirable. Sous l’autel, coule une fontaine dont l’eau guérit tous les malades: et le roi offrit à saint Georges de l’argent en quantité infinie; mais le saint ne le voulut recevoir et le fit donner aux pauvres. Alors saint Georges adressa au roi quatre avis fort succincts. Ce fut d'avoir soin des églises de Dieu, d'honorer les prêtres, d'écouter avec soin l’office divin et de n'oublier jamais les pauvres. Puis après avoir embrassé le roi, il s'en alla. [...]


La page Dragon - Serpent - Satan parle bien sûr elle aussi de dragon et même du Dragon. Les Saintes ne combattent pas de dragons mais peuvent accomplir des miracles même après leur mort. Ainsi les Saintes Maries qui, semble-t-il, guérissent les coeurs sincères malencontreusement mordus par un animal enragé.

Victor Monard - Les Saintes Maries de Provence,
protectrices de ceux qui ont le malheur d'être mordu par des animaux enragés [extrait].

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Les Saintes Maries - Monard - Epinal - Source

[...]

C'est dans cet oratoire-là
Que s'écoula leur sainte vie,
Ainsi que celle de Sara,
Leur servante aimante et chérie;
Et depuis lors sur leurs tombeaux
Se font des miracles très beaux.

Surtout les pauvres malheureux,
Que quelque animal plein de rage
A sa gueule appuyé sur eux,
Y trouvent un grand avantage;
Car ils obtiennent guérison
S'ils y vont en dévotion.

Vous donc qu'un semblable malheur
Pourrait frapper en cette vie,
Allez, allez avec ferveur
Prier aux tombeaux des Maries,
Et vous vous en retournerez
Grâce à elles tous délivrés.

Et vous, saintes femmes de Dieu,
Daignez écouter la prière
De ceux qui viennent, en ce lieu,
Vous supplier, d'un coeur sincère,
De les délivrer à jamais
De leurs maux et de leurs péchés.

[...]