Léda - L'étude des animaux

Mythes - Poésies - Légendes - Histoires naturelles

Oiseau

Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
Mallarmé    

Les oiseaux sont sans aucun doute les animaux les plus chantés par les poètes, ceux qui chantent avec les poètes, ceux que sont parfois même les poètes. Ainsi Charles Baudelaire et l'Albatros, Siméon-Guillaume de La Roque et le Hibou, Paul Verlaine et la Mouette, Alfred de Musset et le Pélican, Catulle Mendès et le Rossignol, et d'autres encore.

1802 - 1885 - Victor Hugo - Les Oiseaux

Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
De mon âme et des morts j'écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l'herbe et les croix de la tombe.
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l'ombre m'emplissait.

Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l'école buissonnière.
C'était l'éternité que taquine l'instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ;
Je criai: -- Paix aux morts ! vous êtes des harpies.
-- Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
-- Silence ! allez-vous en ! repris-je, peu clément.
Ils s'enfuirent ; j'étais le plus fort. Seulement,
Un d'eux resta derrière, et, pour toute musique,
Dressa la queue, et dit : -- Quel est ce vieux classique ?

Comme ils s'en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir qui songeait près d'une tombe, un sage,
M'arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit : -- Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière ;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
A l'astre, son sourire au matin enchanté ;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l'apportent ; l'ombre en les voyant flamboie ;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers ;
A travers l'homme et l'herbe, et l'onde, et les halliers,
Ils vont pillant la joie en l'univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui loin d'eux languissons ;
Et, lorsqu'ils sont bien pleins de jeux et de chansons ;
D'églogues, de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Vider dans notre nuit toute cette lumière!
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons :
-Les voilà!- tout s'émeut, pierres, tertres, gazons ;
Le moindre arbrisseau parle, et l'herbe est en extase ;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase ;
Ils confessent les ifs, devenus babillards ;
Ils jasent de la vie avec les corbillards ;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l'agrafe ;
Ils se moquent du marbre; ils savent l'orthographe ;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
Et ne se gène pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu'en lisant à voix haute
L'épitaphe où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.

Bible Louis Segond - Matthieu 6 25-27

C'est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux? Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?

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Chardonneret - Linotte - Orbigny - DUHN - Source

1842 - 1908 - François Coppée
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des fois
À la mort d'un oiseau, quelque part, dans les bois.
Pendant les tristes jours de l'hiver monotone,
Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,
Se balancent au vent sur un ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver !
Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d'avril, où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

Pinsons Orbigny DUHN jpg
Pinsons - Orbigny - DUHN - Source

1802 - 1885 - Victor Hugo - Liberté !

De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?

De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?

Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
Oh! de nos actions qui sait les contre-coups,
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?

Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
La volière sinistre est mère des bastilles.
Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
Se penche, et te dévoue à l'expiation.
Je t'admire, oppresseur, criant: oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
Et la cage qui pend au seuil de ta maison
Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.


1862 - 1931 - Max Elskamp - Tour d'Ivoire

Mais geai qui paon se rêve aux plumes,
Haut, ces tours sont-ce mes juchoirs ?
D'îles de Pâques aux fleurs noires
Il me souvient en loins posthumes :

Je suis un pauvre oiseau des îles.

Or, d'avoir trop monté les hunes
Et d'outre-ciel m'être vêtu,
J'ai pris le mal des ingénus
Comme une fièvre au clair de lune,

Je suis un pauvre oiseau des îles.

Et moins de joies me font des signes,
Et plus de jours me sont des cages,
Or, j'ai le coeur gros de nuages ;
Dans un pays de trop de cygnes,

Je suis un pauvre oiseau des îles ;

Car trop loin mes îles sont mortes,
Et du mal vert qu'ont les turquoises,
J'ai serti mes bagues d'angoisse ;
Ma famille n'a plus de portes :

Je suis un pauvre oiseau des îles.

1862 - 1931 - Max Elskamp - L'Oiseau

Mais lors voici qu'un oiseau chante,
Dans une pauvre cage en bois,
Mais lors voici qu'un oiseau chante
Sur une ville et tous ses toits,

Et qu'il dit qu'on le voit le monde
Et sur la mer la pluie tomber,
Et des voiles s'en aller rondes,
Sur l'eau si loin qu'on peut aller.

Puis voix dans l'air plus haut montée,
Alors voici que l'oiseau dit
Que tout l'hiver s'en est allé
Et qu'on voit l'herbe qui verdit,

Et sur les chemins la poussière
Déjà, et les bêtes aussi,
Et toits fumant dans la lumière
Que l'on dirait qu'il est midi,

Et puis encore sa voix montée,
Que l'air est d'or et resplendit,
Et puis le bleu du ciel touché
Qu'il est ouvert le paradis.


1861 - 1940 - Saint-Pol-Roux - Oiseaux

A Catulle Mendès.

Les yeux partis du front des aveugles deviennent des oiseaux.
- Les petits oiseaux, passe encore! allez-vous dire, mais les grands ?...
Les grands oiseaux, ne voyez en eux que des yeux exorbitamment épars depuis des temps immémoriaux.
Quelle force au surplus pourrait empêcher les yeux de grandir, une fois dans le libre azur ?

Mésanges Orbigny DUHN jpg
Mésanges - Orbigny - DUHN - Source

Roitelet : œil de poupon !
Mésange : œil de fillette !
Fauvette : œil de garçon !
Bengali : œil d'infante !
Pinson : œil de page !
Linotte : œil de bohémienne !
Moineau : œil de gavroche !
Alouette : œil de pâtre !
Bergeronnette : œil de lavandière !
Ortolan : œil de vicaire !
Rossignol : œil de poète !
Hirondelle : œil de bayadère !
Pivert : œil de pèlerin !
Chardonneret : œil de troupier !
Martin-pêcheur : œil de matelot !
Chauve-souris : œil de pierreuse !
Coucou : œil d'écornifleur !
Grive : œil d'ivrogne !
Merle : œil de satirique !
Sansonnet : œil de contribuable !
Canard : œil de mendiant !
Perroquet : œil d'histrion !
Tourterelle : œil de religieuse !
Ramier : œil d'amant !
Colombe : œil de martyr !
Pie : œil de veuve !
Corbeau : œil de fossoyeur !
Hibou : œil d'avare !
Goéland : œil de corsaire !
Coq : œil de toréador !
Poule : œil de ménagère !
Faisan : œil de gentilhomme !
Dinde : œil de magistrat !
Oie : œil de chanoine !
Héron : œil de cénobite !
Cygne : œil de patriarche !
Chat-huant : œil d'astrologue !
Cormoran : œil de flibustier !
Cigogne : œil de mage !
Condor : œil de bandit !
Vautour : œil de tyran !
Paon : œil de pape !
Aigle : œil d'empereur !
Et tant d'autres !

La preuve que voilà bien des yeux ailés, considérez les nids et les aires.
Dirait-on pas des orbites ?
Ils vont de climat en climat, de pic en pic, de lande en lande, de bosquet en bosquet, de branche en branche, les oiseaux ; et leur repos met, sur les choses, des yeux.
Lorsqu'un oiseau se pose, le roc ou la branche nous voit, et ses regards sont, selon le miroir de notre âme, bellement ou laidement sonores.
Aussi faut-il s'efforcer toujours d'avoir une âme claire et de marcher avec d'infinies précautions à travers la vie ; car, n'étant plus ceux des fronts humains, les yeux "tombés dans le domaine public" sont devenus les yeux de la nature.
Possible explication du Dieu-voit-tout qui surprenait notre enfance !
En effet Dieu c'est la fille, le garçon, le riche, le mendiant, celui qui souffre et celui qui jouit, celui qui nous aide et celui qui nous éprouve, celui qui récompense et celui qui châtie, - c'est enfin tout le monde à la fois.
Ne tuez donc pas les oiseaux !
Ne tirez pas sur eux la paupière de la mort !
Ne crevez pas les yeux qui volent !
N'aveuglez pas Dieu !

D'autres pages de Léda présentent certains oiseaux en particulier, à ce jour, aigle, albatros, alouette et rossignol, colombe et corbeau, cygne, hibou, hirondelle, mouette, pélican, et vautour.