Faculté admirable que Dieu a placée dans l'homme et les animaux, comme aptitude à remplir les conditions de leur existence, et principalement pour se procurer leur nourriture, puis pour combattre le danger provenant soit des créatures, soit des éléments. L'instinct, chez l'animal, est si voisin de l'intelligence, qu'on a peine, dans un grand nombre de cas, à tracer la limite qui les sépare, et ce fait est encore un témoignage de l'enchaînement intime qui unit toutes choses dans la nature, de cette harmonie merveilleuse qui rapproche, par un lien général, même les créations les plus dissemblables par la composition, l'organisme et les formes.
"Il y a dans les animaux, dit M. Flourens, deux forces distinctes et primitives l'instinct et l'intelligence. Les animaux reçoivent par leurs sens des impressions semblables à celles que nous recevons par les nôtres; ils conservent, comme nous, la trace de ces impressions; ces impressions conservées forment, dans leur intelligence comme dans la nôtre, des associations nombreuses et variées; ils les combinent, ils en tirent des rapports, ils en déduisent des jugements; ils ont donc de l'intelligence. Mais leur intelligence se réduit là. Cette intelligence qu'ils ont ne se considère pas elle-méme, ne se voit pas, ne se connaît pas. Ils n'ont pas la réflexion, cette faculté suprême qu'a l'esprit de l'homme de se replier sur lui-même et d'étudier l'esprit. En un mot, les animaux sentent, connaissent, pensent mais l'homme est le seul de tous les êtres créés à qui ce pouvoir ait été donné de sentir qu'il sent, de connaître qu'il connaît, et de penser qu'il pense."
L'instinct est une impulsion des organes, un entraînement commandé par une destination absolue. Chaque organe de l'animal a la conscience de cette destination. La femelle de l'oiseau, quoique privée de l'exemple, construit convenablement son nid; les poulets qui viennent de naître se dirigent spontanément vers les grains qu'on a mis à leur portée; les canards qui sortent de l'œuf vont sans plus tarder à la recherche de l'eau; et les petites tortues s'y rendent également, en suivant, sans jamais se tromper, la ligne la plus courte qui doit les y conduire.
Tous les fois que les sens agissent sans la participation de la pensée, c'est de l'instinct. Telles sont, chez l'homme et les animaux, la recherche de la mamelle par le petit qui vient de maître, la direction des yeux sur un objet, l'attention donnée au bruit et la propension à toucher. Telles sont encore la crainte d'un danger que pourtant on ne saurait apprécier au juste, et la défense qu'on oppose à l'attaque d'un agresseur quelconque. Telle est enfin cette impression, encore indéfinissable que l'adolescent éprouve en présence de l'autre sexe.
Chaque animal, même avant l'entier développement de tel ou tel de ses organes, a le sentiment de l'action assignée à cet organe.
L'instinct de l'homme est d'autant plus actif, que son intelligence est moins exercée. L'homme civilisé raisonne ses actes, c'est-à-dire, comprime ses instincts organiques, parce qu'il se soumet à des lois, à des préjugés imposés par la société. L'homme sauvage, au contraire, enfant de la nature, se livre sans réserve à ses instincts, parce que chez lui l'impulsion des organes n'est réprimée par aucune entrave, par aucune, considération morale.
Tous les observateurs qui ont écrit sur l'histoire naturelle, sur la philosophie, et même sur la psychologie, ont cité de nombreux exemples de l'instinct des animaux, et en rassemblant ces exemples, on composerait des volumes. Nous n'aurions donc que l'embarras du choix si nous voulions donner une certaine étendue au présent article; mais nous nous bornerons à quelques mentions prises à peu près au hasard.
Frédéric Cuvier cite un jeune orang-outang qui, perché sur un arbre et voyant quelqu'un s'approcher pour y monter aussi, se mit à secouer cet arbre pour effrayer le nouveau venu. "Le singe concluait évidemment ici, fait observer le professeur, de lui aux autres. Plus d'une fois l'agitation violente des corps sur lesquels il s'était trouvé placé l'avait effrayé il concluait donc de la crainte qu'il avait éprouvée, la crainte que devaient éprouver les autres, et d'une circonstance particulière il se faisait une règle générale."
Le même animal ayant placé une chaise près d'une porte, pour l'ouvrir, on la lui retira. Il alla en chercher une seconde. Cela prouve, à n'en pas douter, qu'il s'était parfaitement rendu compte de l'objet qui lui était nécessaire pour s'élever à la hauteur de la chose qu'il voulait atteindre.
Un jour qu'on avait donné à un jeune orang-outang, élevé au Jardin des Plantes, des feuilles de salade trop vinaigrées, on le vit les éponger entre deux plis de la couverture de son lit, et ne les manger qu'après s'être assuré, en les goûtant, qu'elles étaient plus douces qu'avant son opération.
Celle espèce se construit des cabanes de branches entrelacées et qu'elle approprie parfaitement à ses besoins. Doué d'une force extraordinaire, l'orang-outang sait faire respecter sa personne et sa propriété, soit par l'homme, soit par les animaux les plus redoutables, même l'éléphant. Dans toutes ses habitudes on reconnaît des rapports frappants avec celle de l'espèce humaine; ainsi il mange, il porte des fardeaux. et il se sert d'un bâton, comme le ferait un homme. Lorsqu'il va à la chasse des huîtres, il emploie aussi, avec celles qui sont grosses, un moyen fort ingénieux pour n'en être point blessé. Comme il craint en effet qu'en fourrant sa patte entre les valves du mollusque, celles-ci ne viennent à se fermer et à le retenir prisonnier, il a toujours le soin de commencer par introduire une pierre dans l'huître, ce qui l'oblige à demeurer entre-baillée et lui permet de la manger sans danger. Dans d'autres circonstances, il brise la coquille à coups de pierre.
François Pizarre rapporte qu'il a vu des orang-outangs qu'on avait dressés à aller puiser de l'eau dans des cruches à la rivière, à laver la vaisselle, à piler diverses substances dans un mortier, et à accomplir enfin une foule de travaux qui sont la tâche des domestiques dans une maison.
Le chimpanzé, autre espèce de singe, atteint fréquemment jusqu'à 2 mètres de haut, c'est-à-dire une taille qui dépasse la moyenne de celle de l'homme. Cet animal est habituellement grave, mais très résolu dans sa volonté, et c'est l'espèce qui se prête le mieux, lorsqu'elle est apprivoisée, à remplir les fonctions du ménage. On voit en effet le chimpanzé ramasser du bois et le rassembler en fagots; cueillir des fruits et les placer dans un panier; laver du linge et la vaisselle; et aller puiser de l'eau dans une cruche, puis la rapporter avec soin sur sa tête.
Lorsque les babouins veulent enlever les fruits d'un jardin, ils se réunissent en grand nombre et placent des sentinelles pour protéger leur opération. Alors une partie de la bande se disperse dans l'enclos pour faire la récolte, et l'autre portion formant la chaîne, depuis le jardin jusqu'à un point fort éloigné, fait passer de main en main le produit du vol, qui va s'agglomérer à ce point, sorte d'entrepôt général. La présence de l'ennemi est-elle signalée par le cri d'une sentinelle? toute la troupe prend aussitôt la fuite avec une agilité sans pareille, et va joyeusement accomplir un festin.
Les sapajous font usage de leur queue comme d'un instrument, c'est-à-dire, comme l'éléphant le fait de sa trompe, pour se cramponner aux branches, pour sauter d'un arbre à l'autre, et l'on affirme aussi qu'au moyen de cette queue ils ont une marnière particulière de se suspendre les uns aux autres, lequel procédé leur permet de franchir un ruisseau très large ou tout autre espace profond. Les guenons, qui vont à la pêche des crabes, se servent également de leur queue en guise de ligne. Elles laissent flotter au bord de la mer cette queue qui est très longue, et dès que les crabes la serre fortement, elles font un saut vers le sable et enlèvent ainsi leur proie, dont elles se saisissent ensuite facilement pour la manger.
Le chien qu'on a dressé à faire des commissions, à aller, seul, chez tel ou tel fournisseur, ne se trompe jamais d'adresse, et lorsqu'on ne lui remet pas ce qu'il a coutume de venir chercher, il le témoigne par des signes qui ne peuvent tromper sur sa pensée, sur sa réclamation. Celui qui conduit un aveugle, lui fait éviter le danger avec un soin admirable; le mène avec une régularité parfaite dans toutes les rues qu'il a l'habitude de parcourir chaque jour; le fait arrêter, sans jamais se tromper, devant chacune des portes où il reçoit ordinairement l'aumône, et le ramène ensuite au logis, avec la même précaution et la même exactitude.
Jean Faber cite un chien qui, ayant fourré sa tête dans un grand pot à graisse, pour le lécher au fond, et se trouvant pris dans ce pot, tacha d'abord d'en sortir tout doucement, en faisant agir ses pattes, car la gourmandise n'avait point étouffé en lui la crainte du châtiment. Cependant, n'ayant pu se dégager de cette sorte de piège, il finit, dans un moment de désespoir et de résolution, par le frapper d'un grand coup qui le brisa.
Dans plusieurs parties du Brésil, il est des troupeaux qu'on laisse errer des journées entières sans autre surveillant qu'un chien. Celui-ci ne s'éloigne jamais de la troupe qui lui est confiée, et se priverait de nourriture plutôt que de l'abandonner.
Un chien basset faisant partie d'une meute, était toujours repoussé de la gamelle où il devait manger avec ses compagnons. Mais chaque fois aussi que cela arrivait, il sortait dans la cour et aboyait, ce qui faisait accourir aussitôt les autres chiens pour crier avec lui, et pendant que ceux-ci continuaient leurs clameurs, le basset s'empressait de retourner seul à la gamelle.
Pibrac, chirurgien célèbre, trouve un soir, près de sa porte, un chien qui avait la patte cassée. Il le recueille, il lui remet la patte, il le soigne et le guérit. Dès que le chien put courir, il quitta son médecin qui ne manqua pas d'accuser le malade d'ingratitude. Six mois après, le chien reparut dans la maison et fit les plus vives caresses à Pibrac; puis il le tira par son habit à plusieurs reprises, pour le conduire dehors. Pibrac le suivit. Il aperçut alors une chienne qui avait aussi la patte cassée et que son ancien pensionnaire lui avait amenée, pour obtenir la même guérison qu'il en avait reçue.
Walter Scott raconte qu'en 1773, un nommé Madisson, habitant de la vallée de Tweed, avait organisé, avec son berger Millar, un système de vol dans les troupeaux de son voisin, dont le chien du berger était l'instrument. Ce chien, qui s'appelait Garrow, s'introduisait la nuit dans les lieux où se trouvaient les troupeaux, enlevait chaque fois une pièce, et revenait ensuite, par des chemins détournés, au logis de ses maîtres. Le plus remarquable dans la conduite de cet animal, c'est que lorsqu'il advenait qu'il rencontrât à son retour Madisson ou Millar en compagnie d'un étranger, il continuait sa route sans paraître le moins du monde se trouver en connaissance avec celui qui l'employait.
Le chien de Terre-Neuve est une des espèces dont l'instinct est le mieux développé, et l'on sait avec quel courage et quelle adresse il va de lui-même au secours des naufragés. Un particulier qui habitait de l'autre côté de l'eau, vis-à-vis de Falmouth, en Angleterre, avait dressé ün de ces chiens à traverser chaque matin cette eau, pour aller à la poste prendre des lettres et les lui apporter au moment où il se plaçait à table pour déjeuner.
Le paquebot le Durham avait fait naufrage auprès de Clay, sur les côtes de Norfolk, et neuf hommes qui composaient son équipage allaient être engloutis, lorsqu'ils songèrent à confier un bout d'amarre à un chien de Terre-Neuve, pour qu'il allât le porter à terre, où plusieurs personnes étaient rassemblées, sans oser mettre une embarcation à la mer, tant les vagues étaient furieuses. Le chien comprit parfaitement sa mission, et il s'élança au milieu des abîmes en se dirigeant vers la côte. Cependant il eût péri sous l'effort de la tempête, si des matelots, spectateurs sur le rivage de ce qui se passait, n'étaient venus à lui, dans une chaloupe, pour l'arracher à la mort, et prendre la corde qui devait aussi sauver l'équipage du Durham.
On sait que le dogue est un des chiens les plus courageux, et que lorsqu'il a saisi un adversaire, il est très difficile de l'en séparer, et souvent on le voit périr sans qu'il ait lâché prise. Un bull-dog, qui avait pris un âne au flanc, roula avec lui dans une rivière, et l'on parvint avec beaucoup de peine à les ramener sur la grève. L'âne respirait encore. Quant au chien, il était mort, mais il était toujours retenu a la même place, et ses crocs étaient si fortement insérés dans la chair de l'animal qu'il avait attaqué, qu'on fut obligé de pratiquer des incisions pour l'en dégager. On raconte aussi qu'un Anglais paria que son bull-dog ne lâcherait pas le taureau qu'il aurait saisi, quand bien même on lui couperait une ou plusieurs pattes. Le pari fut tenu, et le chien, en effet, se laissa couper les quatre pattes, l'une après l'autre, sans que cette mutilation lui eût fait lâcher prise.
Dans un couvent où l'on faisait chaque jour des distributions aux pauvres, les portions étaient placées dans un tour pratiqué dans la muraille. Chaque pensionnaire qui arrivait tirait la sonnette placée près de ce tour, et la portion qui lui était destinée était aussitôt expédiée. Un chien, qui était souvent réduit à la diète et qui avait remarqué l'opération du tour, s'avisa alors de sauter après la sonnette pour la faire retentir et pour s'emparer, chaque fois, des mets qui se présentaient. Le déficit qui résulta de ce manège amena une surveillance qui fit bientôt découvrir l'auteur des nombreux larcins; mais l'abbé du couvent, émerveillé de l'adresse du coupable, décida qu'on lui délivrerait aussi, quotidiennement, une portion semblable à celle que recevait chaque pauvre.
Un esclave qui accompagnait Anacréon à Théos, oublia sur le chemin un sac d'argent. On ne s'aperçut de cette perte qu'arrivé à la ville, et alors il fallait faire un long trajet pour revenir à l'endroit où l'esclave supposait avoir laissé le sac. On l'y trouva en effet, mais sous bonne garde: car le chien d'Anacréon, qui était aussi du voyage, n'avait pas quitté la place dès qu'il s'était aperçu qu'on y laissait quelque chose.
Un gentilhomme irlandais, qui revenait d'une foire, dans les environs de Dublin perdit sur sa route une bourse qui renfermait une assez forte somme en or. Il envoya à sa recherche un chien barbet dont il était accompagné, et ce fidèle serviteur trouva la bourse; mais comme il s'en revenait tout joyeux l'apporter à son maître, il fut rencontré par des chasseurs dont le chef s'empara de la bourse et du chien. L'animal fut en quelque sorte retenu en prison. Cependant, un jour que le châtelain se disposait à partir pour un voyage et qu'il venait de placer une bourse pleine sur la table, le barbet, qui se trouvait là, saisit tout à coup cette bourse, prit la fuite avec elle, et trouvant cette fois les portes ouvertes, il retourna chez son ancien maître auquel il apporta la bourse enlevée, laquelle, ajoute-t-on, contenait une somme plus considérable que celle dont le gentilhomme déplorait la perte. La rencontre, à quelque temps de là, de ce gentilhomme et du chasseur, leur permit de se communiquer réciproquement les deux parties de cette histoire.
Lorsque la Convention gouvernait la France, il fallait se lever dès trois heures du matin, et attendre, au milieu des boues et de la neige, un peu de subsistance, ainsi que des mendiants, aux portes des boulangers et des bouchers. Le malheureux, qui passait une partie de la nuit à la belle étoile, n'était pas encore sûr d'avoir sa ration à onze heures du matin; et souvent il s'en revenait chez lui les mains vides. "Au milieu d'une foule de gens pressés par mille besoins, dit l'auteur des Animaux célèbres, et s'écrasant l'un l'autre sans nulle pitié, un vieux rentier se trouvait toujours écarté par les plus forts. Il eut recours à son chien. Il lui attachait un petit sac noir au cou, mettait dedans la carte au pain et la carte à la viande, et l'envoyait chercher la ration. Il fallait faire queue aux portes des bouchers et des boulangers; mais le petit chien commissionnaire passait aisément entre les jambes des hommes et des femmes. On lui avait toutefois donné le nom de Laqueue. Lorsqu'il s'était glissé dans la boutique, il grattait la jupe de la bouchère affairée, se dressait sur deux pattes et indiquait assez clairement l'objet de son message. On mettait alors au fond du sachet la demi-livre de viande, portion assignée à chaque individu pour cinq jours. L'animal repassait lestement par la même route, rapportait à la maison le lopin pour faire un peu de bouillon, et retournait ensuite chercher le quarteron de pain et l'once de riz. Le pauvre rentier partageait tout cela de bon cœur avec Laqueue, qui lui servait à la fois de garde-malade, de pourvoyeur et d'ami."
Un berger écossais, qui habitait au pied des monts Crambiens, amenait chaque jour avec lui un fils qui n'était âgé que de trois ans. Une fois, il l'avait laissé, jouant dans une prairie, et s'en était éloigné, comme cela lui était déjà arrivé dans d autres occasions, pour aller à la recherche d'une chèvre égarée. Mais, pendant son absence, un orage affreux éclata, et à son retour il ne trouva plus son enfant. On peut se faire une idée de son désespoir. Pendant plusieurs jours ses recherches furent vaines, quoiqu'il eût été aidé par les habitants de son hameau. Enfin il apprit que depuis le lendemain de la fatale journée, un de ses chiens qui avait aussi disparu pendant la bourrasque, était venu chaque soir à la cabane, où après avoir reçu un morceau de pain, il s'était enfui avec. Cette circonstance, qu'on avait d'abord oublié de lui communiquer, fit naître en lui une sorte de pressentiment, une lueur d'espoir; mais ce fut néanmoins avec une bien cruelle anxiété, qu'il attendit la nouvelle apparition du chien. Celui-ci revint à l'heure accoutumée, il caressa tout le monde, reçut son morceau de pain, et sortit aussitôt de la cabane; mais le berger le suivit, et l'animal, témoignant de la joie de se voir accompagné par son maître, se dirigea vers la montagne. Les voyageurs traversèrent des ravins, des torrents et arrivèrent enfin au bord d'un précipice dans lequel le chien descendit, et au fond duquel il introduisit son maître dans une caverne. Le fils du berger était là bien portant, gai et tenant le morceau de pain qu'il venait de recevoir du chien. Le pauvre petit avait-il roulé dans cet abîme en fuyant l'orage, ou bien y avait-il été transporté par le fidèle animal qui lui avait servi de protecteur? L'enfant ne put faire connaître les détails de sa délivrance; mais Dieu l'avait favorisé et le chien du berger en avait été l'instrument.
Un petit chien épagneul était tombé au fond d une espèce de citerne qui était à sec et y était demeuré plusieurs jours, privé de nourriture. Lorsqu'on le retira de sa prison, où par hasard on le découvrit, il était presque mourant. On s'aperçut que depuis lors il avait pris l'habitude, quand on lui donnait à manger, d'aller jeter des os dans la citerne, et l'on pensa, sans doute avec raison, que, dans la crainte de faire une seconde chute dans ce trou, cet animal y rassemblait des vivres pour n'y plus endurer la faim.
Dans un incendie qui eut lieu au faubourg de Péra, à Constantinople, un Grec, aidé de ses amis et de quelques soldats, était parvenu à sauver presque tous les effets que contenait sa maison, lorsque le malheureux s'aperçut qu'il avait oublié un enfant de deux mois qui reposait dans un berceau. On se consultait sur la difficulté de pénétrer de nouveau dans la maison lorsque le chien du Grec en sortit, tenant l'enfant par ses langes. Il traversa la foule, sans permettre qu'on lui ôtât son fardeau et courut le déposer à la porte d'un ami de son maître. Celui-ci eut une singulière reconnaissance pour cet animal si dévoué: il le tua, et le fit manger, dans un repas, à sa famille et à ses amis, prétendant que cette chair ferait naître en eux toutes les grandes qualités qu'avait possédées son chien.
Dans un autre incendie qui éclata en 1842, dans la maison d'un sieur Guyon, habitant de Neuville, dans le département de l'Aube, le chien de ce cultivateur s'étant aperçu que la fumée gagnait une étable et que les bestiaux n'en sortaient pas, y pénétra sans y être excité par personne, et, mordant à droite et à gauche, força un cheval, une vache et quelques moutons de prendre la fuite. Il les conduisit alors à une certaine distance dans un champ, puis revint une seconde fois à l'étable et en fit déguerpir une autre troupe. Il essaya de recommencer une troisième fois mais le feu ne le lui permit pas, et il s'en revint tout consterné vers son maître près duquel il se mit à aboyer d'une façon lamentable comme s'il eût voulu exprimer son regret de n'avoir pu réaliser toute la tâche qu'il s'était volontairement imposée.
Nous extrayons de Bernard de Montfaucon les détails suivants sur le fameux chien de Montargis. "Il y avait un gentilhomme que quelques-uns qualifient avoir été archer des gardes du roi Charles V, et que je crois devoir plutôt qualifier gentilhomme ordinaire ou courtisan, parce que l'histoire latine dont j'ai tiré ceci le nomme Aulicus; c'était, suivant quelques historiens, le chevalier Macaire, lequel étant envieux de la faveur que le roi portait à un de ses compagnons, nommé Aubry de Montdidier, l'épia si souvent qu'enfin il l'attrapa dans la forêt de Bondy, accompagné seulement de son chien (que quelques historiens et nommément le sieur d Audiguier, disent avoir été un lévrier d'attache), et trouvant l'occasion favorable pour contenter sa malheureuse envie, le tua, et puis l'enterra dans la foret et se sauva après le coup, et revint à la cour tenir bonne mine. Le chien de son côté, ne bougea jamais de dessus la fosse où son maître avait été mis, jusqu'à ce que la rage de la faim le contraignit de venir à Paris, où le roi était, demander du pain aux amis de son feu maître, et puis tout incontinent, s'en retournait au lieu où le misérable assassin l'avait enterré; et continuant assez souvent cette façon de faire, quelques-uns de ceux qui le virent aller et venir tout seul, hurlant et plaignant, et semblant, par des abois extraordinaires, vouloir découvrir sa douleur, et déclarer le malheur de son maître, le suivirent dans la forêt, et, observant exactement tout ce qu'il faisait virent qu'il s'arrêtait sur un lieu où la terre avait été fraîchement remuée; ce qui les ayant obligés d'y faire fouiller, ils y trouvèrent le corps mort, lequel ils honorèrent d'une plus digne sépulture, sans pouvoir découvrir l'auteur d'un si exécrable meurtre. Comme donc ce pauvre chien était demeuré à quelqu'un des parents du défunt, et qu'il le suivait, il aperçut fortuitement le meurtrier de son premier maître, et l'ayant choisi au milieu de tous les autres gentils-hommes, ou archers, l'attaqua avec une grande violence, lui sauta au collet, et fit tout ce qu'il put pour le mordre et pour l'étrangler. On le bat, on le chasse; il revient toujours, et comme on l'empêche d'approcher, il se tourmente et aboie de loin, adressant des menaces du côté qu'il sent que s'est sauvé l'assassin. Et comme il continuait ses assauts toutes les fois qu'il rencontrait cet homme, on commença de soupçonner quelque chose du fait, d'autant que ce pauvre chien n'en voulait qu'au meurtrier, et ne cessait de lui vouloir courir sus pour en tirer vengeance. Le roi, étant averti par quelques uns des siens de l'obstination du chien qui avait été connu appartenir au gentilhomme qu'on avait trouvé enterré et meurtri misérablement, voulut voir les mouvements de cette pauvre bête: l'ayant donc fait venir devant lui, il commanda que le gentilhomme soupçonné se cachât au milieu de tous les assistants qui étaient en grand nombre. Alors le chien avec sa furie accoutumée, alla saisir son homme entre tous les autres; et, comme s'il se fut senti assisté de la présence du roi, il se jeta plus furieusement sur lui, et par un pitoyable aboi, il semblait crier vengeance et demander justice à ce sage prince. Il l'obtint aussi car ce cas ayant paru merveilleux et étrange, joint avec quelques autres indices, le roi fit venir devant soi le gentilhomme, et l'interrogea et pressa assez publiquement pour apprendre la vérité de ce que le bruit commun, et les attaques et les aboiements de ce chien (qui étaient comme autant d'accusations) lui mettait sus, mais la honte et la crainte de mourir par un supplice honteux rendirent tellement obstiné le criminel dans la négative, qu'enfin le roi fut contraint d'ordonner que la plainte du chien et la négative du gentilhomme se termineraient par un combat singulier entre eux deux, par le moyen duquel Dieu permettrait que la vérité fût connue. Ensuite de quoi, ils furent tous deux mis dans le camp, comme deux champions, en présence du roi et de la cour: le gentilhomme, armé d'un gros et pesant bâton, et le chien avec ses armes naturelles, ayant seulement un tonneau percé pour sa retraite, pour faire ses relancements. Aussitôt que le chien fut lâché, il n'attendit pas que son ennemi vînt à lui; il savait que c'était au demandeur d'attaquer; mais le bâton du gentilhomme était assez fort pour l'assommer d'un seul coup, ce qui l'obligea à courir çà et là à l'entour de lui, pour en éviter la pesante chute; mais enfin, tournant tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, il prit si bien son temps, que finalement il se jeta d'un plein saut à la gorge de son ennemi, et s'y attacha si bien, qu'il le renversa parmi le camp, et le contraignit à crier miséricorde, et supplier le roi qu'on lui ôtât celle bête, et qu'il dirait tout. Sur quoi les escortes du camp retirèrent le chien, et les juges s'étant approchés par le commandement du roi, il confessa devant tous qu'il avait tué son compagnon, sans qu'il eût personne qui l'eût pu voir que ce chien, duquel il se confessait vaincu. L'histoire de ce chien, outre les honorables vestiges peints de sa victoire qui paraissent encore à Montargis, a été recommandé à la postérité par plusieurs auteurs, et singulièrement par Julius Scaliger, en son livre contre Cardan, exerc. 202. J'oubliais de dire que le combat fut fait dans l'île Notre-Dame. Il eut lieu eu 1371. Macaire fut envoyé au gibet."
A Naples, un éléphant servait de manœuvre à un maçon en lui apportant de l'eau dans une grande chaudière. Ayant remarqué que toutes les fois que cette chaudière était percée d'un trou, on la portait chez un chaudronnier, il y alla de lui-même, un jour qu'elle fuyait, et attendit qu'elle fût raccommodée.
Un autre éléphant fut blessé dans une guerre. Après avoir été conduit à l'hospice, où sa blessure fut pansée, il y retourna seul. Il fallut lui brûler une plaie, et, cependant, malgré la douleur qu'il ressentit, il ne témoigna que de l'affection au chirurgien.
Un troisième, qui en voulait à son cornac, le foula sous ses pieds et le tua. La femme de ce cornac, témoin de cet affreux événement, adresse, au milieu des sanglots du désespoir, les plus vifs reproches à l'animal et lui dit, en lui présentant ses enfants, d'assouvir sur eux aussi sa fureur, puisqu'il les a rendus orphelins et réduits à la misère. L'animal se radoucit alors et comme s'il avait compris les paroles de la veuve, il saisit tout à coup avec sa trompe le plus âgé des enfants, il le place sur son dos, et dès ce moment ne voulut plus souffrir d'autre cornac.
Voici un trait curieux consigné dans l'Oriental Annual, gazette de Calcutta. Un vaste magasin de riz se trouvait un jour n'avoir pour surveillants que deux Indiens. Une troupe d'éléphants sauvages se présenta devant le bâtiment, et les deux Indiens effrayés se réfugièrent sur un arbre. Toutefois le magasin n'avait point de porte, et la seule ouverture qui permit de s'y introduire était pratiquée dans le toit. Grand fut donc d'abord l'embarras des éléphants, lorsqu'après avoir fait, à plusieurs reprises, le tour de la forteresse, ils virent qu'une épaisse muraille régnait sur toute l'étendue. Ils ne se découragèrent point. L'un d'eux, d'une taille colossale, attaqua le premier l'un des angles du bâtiment à l'aide de ses énormes défenses lorsqu'il fut épuisé un autre lui succéda et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une ouverture convenable fût établie. Vingt de ces robustes assaillants avaient battu le mur en brèche. Mais au lieu d'entrer tous à la fois dans le magasin, ils n'y pénétrèrent que par escouades, le surplus de la bande faisait la garde au dehors. Un cri aigu poussé par l'un de ces derniers, donna l'alarme et fit prendre la fuite à toute la troupe. La sentinelle avait aperçu un détachement de cipayes qui revenait prendre son poste au magasin, mais qui y arrivait trop tard.
Dans la bataille qui livra sur le bord de l'Hydaspe et qui mit fin à la puissance de Porus, l'éléphant de ce prince seconda avec un courage inouï les efforts désespérés de son maître, et, quoique couvert d'un grand nombre de blessures, il combattit jusqu'à ce que la mort mît un terme à son courage. Cet éléphant, qu'on nommait Ajax, ayant vu tomber le roi à terre, sans connaissance, s'empressa, avec une touchante sollicitude, de lui arracheur du corps, l'un après l'autre, les dards dont il était percé il mit en fuite les Macédoniens qui s'étaient précipités vers Porus pour se saisir de sa personne; et à l'aide de sa trompe, il parvint à le replacer sur son dos. Mais ce triomphe ne fut pas de durée, et le redoutable Ajax roula bientôt sur la poussière.
Les Anglais ayant eu un engagement avec les Indiens, en 1828, un détachement de soldats s'était particulièrement acharné après un éléphant dont la charge annonçait des richesses. L'animal s'était longtemps défendu avec courage, sans reculer, puis, tout à coup, il s'était fait jour à travers ses assaillants et avait fui. On s'était mis à sa poursuite, et quelques, cavaliers entre autres, commandés par un officier, le serraient de très près. L'éléphant allait toujours son train, paraissant se soucier assez peu de livrer un nouveau combat; cependant il s'était retourné une fois, avait saisi l'officier, et le retenant fortement avec sa trompe, avait ainsi continué son chemin, laissant bien en arrière les cavaliers, qui se rebutèrent enfin et revinrent sur leurs pas, abandonnant ainsi leur chef. L'éléphant regagna droit, l'habitation de son maître, et y déposa l'officier qui n'avait d'autre mal que celui qu'avait pu lui causer la peur. Voilà donc cet officier prisonnier. Mais il advint aussi que le maître de l'éléphant se trouva pris par les Anglais, en sorte que sa famille put obtenir un échange, ce qui n'aurait pas eu lieu, peut-être, sans la singulière conduite de l'éléphant.
Le cheval est à la fois remarquable par ses formes, par la grâce de ses allures, la vivacité de son regard, son brillant courage, son existence laborieuse, et enfin par son dévouement et la finesse de son instinct. Doué de toutes les facultés physiques qui peuvent le mettre à même de résister au despotisme de l'homme, non seulement il se courbe sous la volonté de ce maître exigeant, mais encore il se sacrifice avec ardeur pour lui faire conquérir des richesses et de la gloire. Succombant quelquefois à la fatigue et à la faim, son dernier effort est cependant encore un service qu'il cherche à rendre à son bourreau, et lorsque la mitraille et le carnage arrêtent les hommes les plus éprouvés, le cheval, toujours fier, toujours impatient d'aller vers le danger, partage, sans jamais hésiter, toute la témérité, tout l'héroïsme dont veut faire preuve celui qui le guide. Docile à la voix, au moindre geste, il sait comprimer néanmoins tout le feu dont il est animé. Enfin, lorsque déchu des honneurs, lorsque victime de l'ingratitude, il lui faut aller achever ses derniers jours au sein de l'obscurité et des travaux les plus abjects et les plus pénibles, il se pénètre encore de patience et de zèle, pour payer la nourriture qui lui est jetée.
On remarquait souvent, dans les jeux du cirque, en Grèce et à Rome, que les chevaux de char et de selle, dont les conducteurs étaient renversés, n'en continuaient pas moins leur course jusqu'au but, en observant, durant tout le trajet, la régularité, l'adresse, la ruse et l'ardeur dont ils auraient fait preuve si ces conducteurs les avaient toujours guidés. Pausanias cite à ce sujet une cavale de Philotas, nommée Aura, qui reçut ainsi les honneurs du triomphe, quoique son maître eût été renversé au commencement de la course.
Voici une histoire de cheval qu'on lit dans le Voyage de M. de Lamartine, en Syrie: "Un Arabe et sa tribu avaient attaqué, dans le désert, la caravane de Damas; la victoire était complète et les arabes étaient déjà occupés à charger leur riche butin, quand les cavaliers du pacha d'Acre, qui venaient à la rencontre de cette caravane, fondirent à l'improviste sur les Arabes victorieux, en tuèrent un grand nombre, firent les autres prisonniers, et, les ayant attachés avec des cordes, les emmenèrent à Acre, pour en faire présent au pacha. Abou-el-Marsch, c'est le nom de l'Arabe dont il est question, avait reçu une balle dans le bras pendant le combat comme la blessure n'était pas mortelle, les Turcs l'avaient attaché sur un chameau, et, s'étant emparés du cheval, emmenaient le cheval et le cavalier. Le soir du jour où ils devaient entrer à Acre, ils campèrent avec leurs prisonniers dans les montagnes de Saphadt; l'Arabe blessé avait les jambes liées ensemble par une courroie de cuir, et était étendu près de la tente où couchaient les Turcs. Pendant la nuit, tenu éveillé par la douleur de sa blessure, il entendit hennir son cheval parmi les autres chevaux entravés autour des tentes, selon l'usage des orientaux; il reconnut sa voix, et ne pouvant résister au désir d'aller parler encore une fois au compagnon de sa vie, il se traîna péniblement sur la terre, à l'aide de ses mains et de ses genoux, et parvint jusqu'au coursier. — Pauvre ami, lui dit-il, que feras-tu parmi les Turcs? Tu seras emprisonné sous les voûtes d'un kan avec les chevaux d'un aga ou d'un pacha; les femmes et les enfants ne t'apporteront plus de lait de chameau, l'orge ou le dourah dans le creux de la main; tu ne courras plus libre dans le désert, comme le vent de l'Egypte, tu ne fendras plus de ton poitrail l'eau du Jourdain qui rafraîchissait ton poil aussi blanc que ton écume, qu'au moins si je suis esclave, tu restes libre! Tiens, va, retourne à la tente que tu connais, va dire à ma femme qu'Abou-el-Marsch ne reviendra plus, et passe la tête entre les rideaux de la tente pour lécher la main de mes petits enfants. Parlant ainsi, Abou-el-Marsch avait rongé, avec ses dents, la corde de poil de chèvre qui sert d'entraves aux chevaux arabes, et l'animal était libre. Mais voyant son maître blessé et enchaîné à ses pieds, le fidèle et intelligent coursier comprit avec son instinct ce qu'aucune langue ne pouvait lui expliquer; il baissa la tête, flaira son maître, et l'empoignant avec les dents par la ceinture de cuir qu'il avait autour du corps, il partit au galop et l'emporta jusqu'à ses tentes. En arrivant et en jetant son maître sur le sable aux pieds de sa femme et de ses enfants, le cheval expira de fatigue; toute la tribu l'a pleuré, les poètes l'ont chanté, et son nom est constamment dans la bouche des Arabes de Jéricho."
Le général sir Samuel Gillespie avait un cheval de guerre favori, qu'il avait fait transporter aux Indes, du Cap de Bonne-Espérance où il avait été élevé. Le général fut tué au siège de Ralunga, et le beau coursier noir mis en vente peu après la mort de son maître. Plusieurs officiers désiraient l'acheter et offraient des sommes assez considérables mais il fut adjugé au 8e régiment de dragons, qui avait témoigné le désir de conserver cet animal en mémoire de leur ancien colonel. Ils en firent l'acquisition pour un prix de 500 livres st. Lorsque le régiment était en marche, le coursier était conduit en tête, et il avait aussi sa place habituelle auprès du drapeau, où il recevait le salut des escadrons. Revenus en Angleterre, les dragons, quoique à regret, furent obligés de vendre ce cheval bien-aimé. Un gentilhomme l'acheta avec l'intention de le laisser vivre en paix dans son parc mais à peine libre, le noble coursier prit la fuite et alla rejoindre son régiment. Cependant, la fatigue et le chagrin qu'il avait précédemment éprouvés lui avaient causé une telle révolution, qu'il tomba mort, en arrivant.
L'abbé Champy, savant archéologue, avait un petit cheval dont il se servait depuis plusieurs années dans ses excursions scientifiques, et qui, par un instinct remarquable, s'arrêtait de lui-même devant tout monument en ruines.
Lorsque des caravanes traversent quelques-unes des plaines brûlantes de l'Amérique méridionale, il arrive fréquemment,de même que dans les déserts d'Afrique, que les hommes et les animaux sont livrés aux tortures de la soif. Dans ces moments de désolation générale, les mulets sont les seuls qui parviennent quelquefois à apaiser leur tourment. Ils s'approchent des mélocactus, plantes grasses et hérissées d'épines, qui croissent dans ces plaines, et, à l'aide de leurs pieds, qui écartent en partie les piquants, ils viennent à bout de saisir la substance spongieuse qui se trouve au centre du végétal, et qui est un suc rafraîchissant.
Aux Etats-Unis, on construit, pour garantir les champs chargés de récoltes, des clôtures que l'on nomme fences et qui consistent en de longues perches terminées d'un bout par une pointe, et de l'autre par une grosse tête. Elles sont maintenues en travers au moyen de poteaux percés de trous, dans lesquels se logent leurs extrémités. Ce barrage se démonte facilement par les hommes; mais il résiste très bien aux efforts des animaux. Toutefois, on rapporte qu'une jeune vache parvenait toujours à démanteler cette barrière, et sans recourir à la force et dans un bref délai, elle mettait à terre les perches qu'aucun autre des animaux emprisonnés avec elle ne pouvait venir bout de déranger. Lorsqu'on l'enfermait à part à cause de ce méfait, tous ses compagnons, bœufs et vaches, l'appelaient par leurs mugissements, et lorsqu'elle parvenait à les rejoindre, sa venue était accueillie par les témoignages les moins équivoques de la joie.
Deux chèvres s'étant rencontrées au milieu d'un tronc d'arbre qui servait de pont pour franchir un torrent, s'arrêtèrent l'une et l'autre, parce qu'il n'y avait pas assez de largeur pour le passage de toutes les deux en même temps. Cependant, après quelques moments de réflexion, l'une d'elles se coucha sur le ventre et l'autre lui passa légèrement sur le corps.
Lorsque la pie-grièche est surprise au moment où elle tient sa proie, elle se sauve avec celle-ci dans le bec, pour aller la suspendre à une épine, ou la cacher sous une pierre. Si le faucon lui apparaît, elle pousse un cri qui attire les autres oiseaux, et, pendant que ceux-ci attaquent leur redoutable ennemi, elle va dans un autre lieu achever son repas ou se mettre à l'abri du danger.
Le hasard ayant appris à un petit serin que certaines substances dont on le nourrissait acquéraient plus de tendreté lorsqu'elles avaient été trempées dans l'eau, allait toujours de lui-même les faire macérer dans son abreuvoir avant de les manger.
Une femelle de fauvette, qui avait établi deux fois son nid dans un buisson de lierre accolé au mur d'un jardin, et dont le vent avait par deux fois aussi renversé l'édifice, eut l'idée, à une troisième construction, d'attacher un ruban de laine de telle manière à deux branches du buisson, que le souffle destructeur fut désormais impuissant contre la solidité de la nouvelle habitation.
Bory do Saint-Vincent rapporte qu'un coup de fusil chargé de gros plomb ayant été tiré sous un chêne où s'était réfugiée une troupe de corbeaux, ceux-ci s'envolèrent aussitôt mais s'élevèrent perpendiculairement à une grande hauteur au-dessus de l'arbre avant de se séparer, calculant sans doute que dans le cas de nouveaux coups, les branches les garantiraient jusqu'à ce qu'ils fussent hors de portée.
Le martin-pêcheur se place toujours sur des branches sèches qui s'avancent sur l'eau, afin que rien ne lui cache le mouvement des poissons qu'il guette, et probablement aussi pour être mieux à portée d'observer l'approche du chasseur. De là est venue, à ce que l'on croit, le préjugé populaire qui veut que cet oiseau ait la faculté de dessécher les branches sur lesquelles il se pose.
On prétend que le hibou, pour se ménager des provisions, laisse la vie et donne de la nourriture à un certain nombre des souris dont il s'est emparé; mais qu'il a le soin alors de leur couper les pattes pour les empêcher de fuir.
Le dacelo gigantea se nourrit principalement de reptiles, et comme il attaque souvent des serpents d'une dimension telle qu'il ne peut les achever dans un repas, et qu'il n'a pas la précaution de partager sa proie en deux, une partie de celle-ci lui pend au bec jusqu'à ce que l'autre soit digérée. Mais alors il a le soin du moins de se condamner à la retraite, afin qu'un autre affamé ne vienne pas lui disputer la provision qu'il se réserve.
Lorsque l'oiseau qu'on nomme le secrétaire a fait rencontre d'un serpent, dont il fait aussi sa nourriture habituelle, il l'étourdit d'abord à coups d'ailes, puis, le saisissant par la queue, il l'élève en l'air et le laisse tomber d'une assez grande hauteur. Il répète ce manège jusqu'à ce que le reptile soit tout à fait sans vie.
Le vautour de Syrie est très friand de l'œuf de l'autruche, et comme son bec est quelquefois impuissant pour percer cet œuf, qui est très dur, il prend alors une pierre dans son bec, s'élève à une certaine hauteur, et laisse tomber cette pierre sur l'œuf qui est ainsi brisé.
Le P. Raimond dit avoir vu chez les sauvages un pélican qui partait chaque matin pour aller à la chasse, et rapportait fidèlement à son maître, chaque soir, une quantité de poissons qu'il avait conservés dans l'espèce de poche dont la nature l'a doué.
Un bouvreuil qui avait été jeté par terre avec sa cage, par des gens de la populace, n'en parut pas fort incommodé d'abord mais dans la suite, toutes les fois qu'il voyait des personnes mal vêtues, il tombait en convulsions, et mourut à la suite de l'une d'elles.
La femelle de l'alligator, qui produit annuellement de 5 à 6 douzaines d'œufs, prépare aussi 5 à 6 nids pour les recevoir. Elle établit ces nids dans des lieux écartés, et elle les couvre avec soin de vase endurcie au soleil, et de feuilles sèches. Elle guette avec une sollicitude toute particulière le moment où chacun de ces nids voit éclore des petits, et dès que ceux-ci paraissent, elle les mène immédiatement à l'eau.
On rapporte que les biches traversent, en été, le phare de Messine à la nage, pour passer de la Sicile dans la campagne de Reggio, en Italie, où elles sont attirées par les pâturages. Comme il est fatigant pour elles de lever la tête au-dessus de l'eau, elles nagent rangées sur une seule ligne et à la file 1'une de l'autre, chacune ayant la tête appuyée sur les reins de celle qui la précède. Lorsque celle qui fait le chef de file est fatiguée, elle va se placer derrière, à l'autre extrémité de la ligne et chacune passe ainsi successivement de la tête à la queue.
Lorsque les corbeaux se répandent sur les champs pour y prendre leur nourriture, plusieurs sentinelles planent au-dessus de la troupe et l'avertissent du danger. Ces sentinelles sont relevées successivement. Il en est de même des corneilles, des oies, des canards, etc.
Cette attention de poser des sentinelles a lieu, au surplus, chez la plupart des animaux qui vivent en société: on l'a remarqué chez le castor, chez l'izard. chez le chamois, etc.