A la place du nom hippopotame utilisé ici, le nom Béhémoth figure dans d'autres traductions de la Bible. Dans le passage ci-dessous, Dieu parle à Job.
Voici l'hippopotame, à qui j'ai donné la vie comme à toi!
Il mange de l'herbe comme le boeuf.
Le voici! Sa force est dans ses reins,
Et sa vigueur dans les muscles de son ventre;
Il plie sa queue aussi ferme qu'un cèdre;
Les nerfs de ses cuisses sont entrelacés;
Ses os sont des tubes d'airain,
Ses membres sont comme des barres de fer.
Il est la première des oeuvres de Dieu;
Celui qui l'a fait l'a pourvu d'un glaive.
Il trouve sa pâture dans les montagnes,
Où se jouent toutes les bêtes des champs.
Il se couche sous les lotus,
Au milieu des roseaux et des marécages;
Les lotus le couvrent de leur ombre,
Les saules du torrent l'environnent.
Que le fleuve vienne à déborder, il ne s'enfuit pas:
Que le Jourdain se précipite dans sa gueule, il reste calme.
Est-ce à force ouverte qu'on pourra le saisir?
Est-ce au moyen de filets qu'on lui percera le nez?
On trouve dans le même Nil l'hippopotame, animal d'une taille beaucoup plus haute [que le crocodile]. Il a le pied fendu comme les bœufs, le dos, la crinière et le hennissement du cheval, le museau relevé, la queue du sanglier et ses dents recourbées, mais moins dangereuses. Avec son cuir on fait des casques et des boucliers impénétrables, tant qu'ils ne sont pas mouillés. Il dévaste les moissons; et on assure qu'il détermine d'avance chaque jour la moisson qu'il ravagera le lendemain, et qu'il entre à reculons dans le champ, pour mettre en défaut ceux qui voudraient lui dresser des embûches à son retour.
M. Scaurus, dans les jeux célébrés lors de son édilité, montra le premier à Rome un hippopotame et cinq crocodiles, dans une pièce d'eau creusée pour cette circonstance. L'hippopotame a même enseigné (XXVIII, 31) à la médecine une de ses opérations: quand une abondance continuelle d'aliments l'a rendu trop gras, il vient sur la rive pour chercher des roseaux récemment coupés; dès qu'il voit une tige très aiguë, il s'y appuie, et s'ouvre une veine à la jambe. S'étant ainsi, par l'écoulement du sang, débarrassé du malaise qui le gênait, il couvre la plaie de limon.
Il est entre le crocodile et l'hippopotame une certaine affinité, habitant le même fleuve, et étant l'un et l'autre amphibies. L'hippopotame est, comme nous l'avons dit (VIII, 40), l'inventeur de la saignée. Il abonde au-dessus de la préfecture de Saïs. La cendre de sa peau, appliquée avec de l'eau, guérit les tumeurs; sa graisse, les fièvres froides, ainsi que sa fiente en fumigation. Les dents du côté gauche guérissent les douleurs de dents: on scarifie les gencives avec. La peau du côte gauche du front appliquée sur les aines est antiaphrodisiaque. La cendre de la même partie répare la perte des cheveux. On prend une drachme du testicule, dans de l'eau, contre les serpents. Les peintres emploient le sang de cet animal.
Quoique l’hippopotame ait été célébré de toute antiquité; que les livres saints en fassent mention, sous le nom de Behemoth; que la figure en soit gravée sur les obélisques d’Égypte et sur les médailles romaines; il n’était cependant qu’imparfaitement connu des Anciens. Aristote ne fait, pour ainsi dire, que l’indiquer, et dans le peu qu’il en dit, il se trouve plus d’erreurs que de faits vrais. Pline, en copiant Aristote, loin de corriger ses erreurs, semble les confirmer et en ajouter de nouvelles; ce n’est que vers le milieu du seizième siècle que l’on a eu quelques indications précises au sujet de cet animal. Belon, étant alors à Constantinople, en vit un vivant, duquel néanmoins il n’a donné qu’une connaissance imparfaite: car les deux figures qu’il a jointes à sa description ne représentent pas l’hippopotame qu’il a vu, mais ne sont que des copies prises du revers de la médaille de l’empereur Adrien, et du colosse du Nil à Rome: ainsi l’on doit encore reculer l’époque de nos connaissances exactes sur cet animal, jusqu’en 1603, que Federico Zerenghi, chirurgien de Narni en Italie, fit imprimer à Naples l’histoire de deux hippopotames qu’il avait pris vivants, et tués lui-même en Égypte, dans une grande fosse qu’il avait fait creuser aux environs du Nil, près de Damiète. [...]
En comparant ces descriptions, et surtout celle de Zerenghi, avec les indications que nous avons tirées des voyageurs; il paraît que l’hippopotame est un animal, dont le corps est plus long et aussi gros que celui du rhinocéros, que ses jambes sont beaucoup plus courtes, qu’il a la tête moins longue et plus grosse à proportion du corps; qu’il n’a de cornes, ni sur le nez comme le rhinocéros, ni sur la tête comme les animaux ruminants. Que son cri de douleur tenant autant du hennissement du cheval, que du mugissement du buffle, il se pourrait, comme le disent les auteurs anciens et les voyageurs modernes, que sa voix ordinaire fût semblable au hennissement du cheval, duquel néanmoins il diffère à tous autres égards; et si cela est, l’on peut présumer que ce seul rapport de la ressemblance de la voix a suffi pour lui faire donner le nom d’hippopotame, qui veut dire cheval de rivière; comme le hurlement du lynx qui ressemble en quelque sorte à celui du loup, l’a fait appeler loup cervier.
Les dents incisives de l’hippopotame, et surtout les deux canines dans la mâchoire inférieure sont très longues, très fortes et d’une substance si dure qu’elle fait feu contre le fer; c’est vraisemblablement ce qui a donné lieu à la fable des anciens, qui ont débité que l’hippopotame vomissait le feu par la gueule: cette matière des dents canines de l’hippopotame est si blanche, si nette et si dure qu’elle est de beaucoup préférable à l’ivoire pour faire des dents artificielles et postiches. [...]
La page Crocodile - Léviathan complète sous de nombreux aspects cette page Hippopotame- Béhémoth.