Le hibou ressemble aux chouettes, et il a autour des oreilles des plumes en forme d'ailes. Parfois, on l'appelle le corbeau de nuit. C'est un oiseau bavard et grand imitateur de ce qu'il voit faire; aussi, pendant qu'il imite la danse d'un chasseur qui danse devant lui, un autre chasseur vient par derrière et le prend, tout comme on fait pour la chouette.
Il dit, et Cérès croit déjà ramener sa fille de l'empire des morts; mais les Destins s'opposent à ses vœux. La jeune déesse a déjà manqué aux conditions prescrites. Tandis qu'elle erre à l'aventure dans les jardins de Pluton, elle cueille une grenade, en tire sept grains, et les porte à sa bouche. Ascalaphus est seul témoin de cette action de la déesse. On dit qu'une des Nymphes les plus célèbres de l'Averne, Orphné, lui donna le jour dans un antre sombre qui baigne l'Achéron, son amant. Ascalaphus a vu Proserpine, il la décèle, et lui ôte ainsi tout espoir de retour.
La reine de l'Érèbe gémit, et change en un vil oiseau son profane délateur. Elle arrose sa tête de l'eau du Phlégéthon; et sa tête ne montre plus qu'un bec crochu, des plumes, et de grands yeux. Il se dépouille de sa forme naturelle; il s'élève nonchalamment sur des ailes jaunâtres. Sa tête grossit, ses ongles s'allongent et se recourbent. Il agite pesamment le plumage qui couvre ses bras engourdis. Hideux hibou, oiseau des ténèbres, il n'annonce que des malheurs; il ne présente aux mortels que de sinistres présages.
À Alphonse Daudet.
Ma vie, où des vols de colombes
Neigeaient autrefois dans l'azur,
Est un jardin rempli de tombes
Avec des hiboux sur son mur.
Les mornes oiseaux d'heure en heure
S'éveillent au fond des cyprès,
Et chacun d'eux ulule et pleure
Sur mes voeux devenus regrets.
Leur cri lugubre et monotone
Chante les précoces départs
De mes rêves, au vent d'automne
Qui tombent, tombent tous épars.
Leurs débris jonchent les allées
Et, sous le vieux porche jauni,
L'ennui des plaines désolées
Monte et s'enfonce à l'infini.
Sous le ciel rouge et la bise aigre
Serré dans un mince habit noir,
Un petit vieux, propret et maigre,
Y vient parfois rôder le soir.
Baisant de ses lèvres dévotes
Une grêle flûte en tuya,
Il fait succéder aux gavottes
Des vieux refrains d'alléluia.
Au pied du mur qui se lézarde
Le vieux chantonne, et les hiboux,
Hérissant leur plume hagarde,
Ferment lentement leurs yeux roux.
Sous les grands traits d'ocre et d'orange
Des crépuscules jaunissants
Le vieux joue, et sa flûte étrange
Endort les hiboux gémissants.
Le vieux danse, et des violettes
Percent sous son pied leste et sec,
Et sous les vieux arbres squelettes
Répondent des sons de rebec ;
Car ce vieillard est ma jeunesse
Et les chers amours d'autrefois,
Attendant que mon coeur renaisse,
Chantent dans son flûtet de bois.
Je suis le triste oiseau de la nuit solitaire,
Qui fuit sa même espèce et la clarté du jour,
De nouveau transformé par la rigueur d'Amour,
Pour annoncer l'augure au malheureux vulgaire.
J'apprends à ces rochers mon tourment ordinaire,
Ces rochers plus secrets où je fais mon séjour.
Quand j'achève ma plainte, Écho parle à son tour,
Tant que le jour survient qui soudain me fait taire.
Depuis que j'eus perdu mon soleil radieux,
Un voile obscur et noir me vint bander les yeux,
Me dérobant l'espoir qui maintenait ma vie.
J'étais jadis un aigle auprès de sa clarté,
Telle forme à l'instant du sort me fut ravie,
Je vivais de lumière, ore d'obscurité.
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu'à l'heure mélancolique
Où, poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s'établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement,
L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place.
Le hibou hulule aussi dans le Bestiaire, ou Cortège d'Orphée, d'Apollinaire.
Mon pauvre cœur est un hibou
Qu’on cloue, qu’on décloue, qu’on recloue.
De sang, d’ardeur, il est à bout.
Tous ceux qui m’aiment, je les loue.