[...] Non loin s'élève une antique forêt que le fer a toujours respectée; dans son épaisse profondeur est un antre couvert de ronces et d'arbrisseaux. Des pierres grossières en arc disposées forment son humble entrée. Il en sort une onde abondante, et c'est là qu'est la retraite du dragon de Mars: sa tête est couverte d'une crête dorée; de ses yeux jaillissent des feux dévorants; tout son corps est gonflé de venin; sa gueule, armée de trois rangs de dents aiguës, agite rapidement un triple dard.
Les Tyriens ont à peine percé la sombre horreur de ce bois funeste; à peine l'urne plongée a retenti dans l'onde; le dragon à l'écaille d'azur élève sa tête hors de l'antre, et pousse d'horribles sifflements. L'urne échappe aux tremblantes mains des compagnons de Cadmus: leur sang se glace; une terreur soudaine les a frappés. Le monstre se plie et se replie précipitamment en cercles redoublés. Il s'allonge, et ses anneaux déroulés forment un arc immense. De la moitié de sa hauteur il se dresse dans les airs, et son œil domine sur toute la forêt; et quand on le voit tout entier, il paraît aussi grand que le Dragon céleste qui sépare les deux Ourses.
Soudain, soit que les Phéniciens se disposassent au combat ou à la fuite, soit qu'immobiles d'effroi la fuite ou le combat leur devînt impossible, le monstre s'élance sur eux, et les déchire par ses morsures, ou les étouffe pressés de ses nœuds tortueux, ou les tue de son haleine et de ses poisons.
Déjà le soleil au milieu de sa course avait rétréci l'ombre dans les campagnes, lorsque le fils d'Agénor, inquiet du retard de ses compagnons, marche sur leurs traces couvert de la dépouille du lion, armé d'une lance et d'un javelot, mais plus fort encore de son courage, supérieur à sa lance et à ses traits. Il pénètre dans la forêt: il voit ses soldats expirants, et l'affreux serpent qui, sur leur corps étendu, de sa langue sanglante avec avidité suçait leurs horribles blessures: soudain il s'écrie: Amis fidèles ! je vais vous suivre ou vous venger. Il dit, et soulevant une roche énorme, il lance avec un grand effort cette pesante masse dont le choc eût ébranlé les tours les plus élevées, et fait crouler les plus fortes murailles. Il atteint le monstre, et ne le blesse pas: d'épaisses écailles lui servent de cuirasse et repoussent le coup; mais elles ne sont point impénétrables au javelot, qui, s'enfonçant au milieu de la longue et flexible épine du dragon, descend tout entier dans ses flancs.
Rendu plus terrible par la douleur, il replie sa tête sur son dos, regarde sa blessure, mord le trait qui l'a frappé, le secoue, l'ébranle, et semble près de l'arracher; mais le fer qui pénètre ses os y demeure attaché. Alors sa plaie ajoute encore à sa rage ordinaire; son col se grossit par ses veines gonflées; une blanchâtre écume découle abondamment de sa gueule empoisonnée. La terre retentit au loin du bruit de son écaille. Semblable aux noires exhalaisons du Styx, son haleine infecte les airs. Tantôt se repliant sur lui-même, il décrit des cercles divers; tantôt déroulant ses vastes nœuds, tel qu'un long chêne, il s'élève et s'étend. Soudain s'élançant comme un torrent grossi par les pluies, il renverse les arbres qui s'opposent à ses efforts. Cadmus recule lentement, l'évite, soutient ses attaques avec la dépouille du lion qui le couvre, et de la pointe de son dard écarte sa gueule menaçante. Cependant le dragon furieux fatigue, brise en impuissants efforts ses dents sur l'acier qui le déchire. Déjà la terre se souillait et l'herbe était teinte du sang qui coule de sa bouche empestée. Mais la blessure était encore légère; et le dragon repliant sa tête en arrière pour éviter la pointe du dard, l'empêchait de s'y plonger, lorsque enfin le fils d'Agénor l'enfonçant dans sa gorge, avance sur lui, le presse, le serre, et l'arrêtant contre un chêne, perce du même trait et le dragon et l'arbre qui plie sous le poids du monstre, et qui gémit sous les coups redoublés dont le frappe sa queue.
Mais tandis que Cadmus promène ses regards sur le redoutable ennemi qu'il vient de terrasser, une voix invisible fait entendre ces mots: Pourquoi, fils d'Agénor, regardes-tu ce serpent qui vient de tomber sous tes coups? Toi-même un jour tu seras serpent comme lui. À ces paroles menaçantes le héros pâlit; la terreur lui a ravi l'usage de ses sens, et ses cheveux hérissés se dressent sur sa tête. [...]
Pour que le serpent puisse être condamné à marcher sur son ventre, il fallait bien qu'auparavent il eut des pattes, ou des jambes dans une représentation plus anthropomorphique, pour marcher.
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l'Éternel Dieu appela l'homme, et lui dit: Où es-tu? Il répondit: J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l'Éternel Dieu dit: Qui t'a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger? L'homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé.
Et l'Éternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. L'Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.
Ce dernier verset est parfois interprété comme une première annonce de la victoire finale contre le Serpent. Ce sous-entendu du texte original est cependant perdu par la traduction.
Le livre nommé ici Révélation est aussi connu sous le nom d'Apocalypse. Dragon, serpent, Satan (l'accusateur, voir Job 1) y sont enployés comme des synonymes.
Un autre signe parut encore dans le ciel; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu'elle aurait enfanté.
Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s'enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu'elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours.
Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.
Et j'entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant le salut est arrivé, et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l'autorité de son Christ; car il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'agneau et à cause de la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort. C'est pourquoi réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux. Malheur à la terre et à la mer! car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il a peu de temps.
Dans l'attente de la victoire finale de l'archange Michel contre Le Dragon, quelques saints sur la terre, comme Silvestre, combattent également des dragons.
[...] Quelques jours après, les prêtres des idoles vinrent trouver Constantin et lui dirent: Saint Empereur, il y a un dragon qui est dans une fosse, et qui, depuis que tu as reçu la foi du Christ, fait périr tous les jours, par son souffle, plus de trois cents hommes! L’empereur rapporta la chose à Silvestre, qui lui répondit: Par la vertu du Christ, j’obligerai ce dragon à renoncer à tout mal! Et les prêtres promirent que, s’il faisait cela, ils se convertiraient au Christ.
Alors Silvestre se mit en prière; et, le Saint-Esprit lui apparut et lui dit: Descends aussitôt, sans crainte, dans la fosse du dragon avec deux de tes prêtres; et, quand tu seras en face de lui, dis lui ces paroles: Le Seigneur Jésus, né d’une vierge, crucifié et enseveli, puis ressuscité et assis à la droite de son Père, doit un jour venir ici pour juger les vivants et les morts; or donc, toi, Satan, attends en ce lieu qu’il vienne! Après quoi tu lui lieras la gueule d’un fil, que tu cachetteras d’un anneau portant le signe de la croix. Et après cela vous viendrez tous les trois chez moi, pour manger le pain que je vous aurai préparé.
Silvestre, avec deux prêtres, descendit dans la fosse, par cent cinquante marches, portant en main deux lanternes. Il dit au dragon les paroles du Saint-Esprit, puis il lui lia la bouche, qui sifflait de rage, il la cacheta comme il avait à le faire; et, en sortant de la fosse, il trouva deux mages qui l’avaient suivi afin de voir s’il osait réellement affronter le dragon. Ces deux mages gisaient à terre presque morts, asphyxiés par le souffle empesté du monstre. Le saint les ranima, les ramena sains et saufs; et, aussitôt, ils se convertirent, ainsi qu’une foule immense.
Et enfin le bienheureux Silvestre, sentant s’approcher la mort, donna à son clergé trois avertissements: ils les avertit de s’aimer entre eux, de gouverner leurs églises avec diligence, et de protéger leur troupeau de la morsure des loups. Et, cela fait, il s’endormit heureusement dans le Seigneur, en l’an de grâce 320.
La page Prophète - Saint présente le combat de saint Georges contre un autre dragon mais aussi les rapports plus paisibles que les élus entretiennent parfois avec les autres animaux.