Léda - L'étude des animaux

Mythes - Poésies - Légendes - Histoires naturelles

Chat

1707 - 1788 - Comte de Buffon - Histoire naturelle Tome 6 - Le chat [extrait]

Le chat est un domestique infidèle, qu’on ne garde que par nécessité, pour l’opposer à un autre ennemi domestique encore plus incommode, et qu’on ne peut chasser: car nous ne comptons pas les gens qui, ayant du goût pour toutes les bêtes, n’élèvent des chats que pour s’en amuser; l’un est l’usage, l’autre l’abus; et quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère faux, un naturel pervers, que l’âge augmente encore, et que l’éducation ne fait que masquer.

De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lorsqu’ils sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons ; ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine; comme eux ils savent couvrir leur marche, dissimuler leur dessein, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l’instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu’à ce qu’on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, mais jamais des mœurs: ils n’ont que l’apparence de l’attachement; on le voit à leurs mouvemens obliques, à leurs yeux équivoques; ils ne regardent jamais en face la personne aimée; soit défiance ou fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu’elles leur font.

Bien différent de cet animal fidèle, dont tous les sentimens se rapportent à la personne de son maître, le chat paraît ne sentir que pour soi, n’aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser; et par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l’homme, qu’avec le chien dans lequel tout est sincère. [...]

Le naturaliste nous invite ici à une 'impossible' comparaison entre le chat et le chien comme en témoignent les premières lignes de son portrait du chien.


Chat Domestique Buffon jpg
Chat domestique - Buffon - Hist. nat. - Source
Chatons Coupey Epinal jpg
Petits Chats - Coupey - Epinal - Source

1821 - 1867 - Charles Baudelaire - Le Chat

I

Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !

II

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.


1864 - 1910 - Jules Renard - Histoires naturelles
Le chat

I

Le mien ne mange pas les souris; il n’aime pas ça.
Il n’en attrape que pour jouer avec. Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l’innocent, assis dans la boucle de sa queue, la tête bien fermée comme un poing.
Mais à cause des griffes, la souris est morte.

II

On lui dit: Prends les souris et laisse les oiseaux!
C’est bien subtil, et le chat le plus fin quelquefois se trompe.

1821 - 1867 - Charles Baudelaire - Les Chats

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.


1873 - 1907 - Charles Guérin - Le Lait des Chats

Les chats trempent leur langue rose
Au bord des soucoupes de lait ;
Les yeux fixés sur le soufflet,
Le chien bâille en songeant, morose.

Et tandis qu'il songe et repose
Près de la flamme au chaud reflet,
Les chats trempent leur langue rose
Au bord des soucoupes de lait.

Dans le salon, seul le feu glose ;
Mère-grand dit son chapelet,
Suzanne dort sur un ourlet,
Et dans le lait, paupière close,
Les chats trempent leur langue rose.


Chat Bonnard jpg
Le chat - Illustration de P. Bonnard - Source