Léda - L'étude des animaux

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Albatros

1707 - 1788 - Comte de Buffon - Histoire naturelle Tome 24 - L'albatros [extrait]

[...] Les gens de l’équipage du capitaine Cook, prenaient les albatros qui souvent environnaient le vaisseau, en leur jetant un hameçon amorcé grossièrement d’un morceau de peau de mouton. C’était pour ces navigateurs une capture d’autant plus agréable [f] qu’elle venait s’offrir à eux au milieu des plus hautes mers, et lorsqu’ils avaient laissé toutes terres bien loin derrière eux; car il paraît que ces gros oiseaux se sont trouvés dans toutes les longitudes et sur toute l’étendue de l’océan austral, du moins sous les latitudes élevées; et qu’ils fréquentent les petites portions de terres qui sont jetées dans ces vastes mers antarctiques; aussi-bien que la pointe de l’Amérique et celle de l’Afrique.

Ces oiseaux, comme la plupart de ceux des mers australes, dit M. de Querhoënt, effleurent en volant la surface de la mer, et ne prennent un vol plus élevé que dans le gros temps et par la force du vent; il faut bien même que lorsqu’ils se trouvent portés à de grandes distances des terres ils se reposent sur l’eau; en effet l’albatros, non seulement se repose sur l’eau, mais y dort; et les voyageurs Lemaire et Schouten, sont les seuls qui disent avoir vu ces oiseaux venir se poser sur les navires [o] [...].

[f] Nous écorchames les albatros, et après les avoir laissé tremper dans l’eau salée jusqu’au lendemain matin; nous les fimes bouillir, et l’on y fit une sauce piquante; chacun trouva très bon ce mets ainsi apprêté, et nous en mangions volontiers lors même qu’il y avoit du porc frais sur la table.
Cook. Premier Voyage, tome II, page 297.

[o] On vit des jeans-de-genten d’une grosseur extraordinaire, c’est-à-dire des mouettes de mer, qui avaient le corps aussi gros que des cygnes, et dont chaque aile étendue n’avait pas moins d’une brasse de long; elles venaient se percher sur le navire, et se laissaient prendre par les matelots (dans le détroit de Lemaire).
Relation de Lemaire et Schouten, tome IV du recueil de la Compagnie Hollandoise, page 582.


1818 - 1894 - Charles-Marie Leconte de Lisle - L'Albatros

Gorfou Albatros Orbigny DUHN jpg
Gorfou - Albatros - Orbigny - DUHN - Source

Dans l'immense largeur du Capricorne au Pôle
Le vent beugle, rugit, siffle, râle et miaule,
Et bondit à travers l'Atlantique tout blanc
De bave furieuse. Il se rue, éraflant
L'eau blême qu'il pourchasse et dissipe en buées ;
Il mord, déchire, arrache et tranche les nuées
Par tronçons convulsifs où saigne un brusque éclair ;
Il saisit, enveloppe et culbute dans l'air
Un tournoiement confus d'aigres cris et de plumes
Qu'il secoue et qu'il traîne aux crêtes des écumes,
Et, martelant le front massif des cachalots,
Mêle à ses hurlements leurs monstrueux sanglots.
Seul, le Roi de l'espace et des mers sans rivages
Vole contre l'assaut des rafales sauvages.
D'un trait puissant et sûr, sans hâte ni retard,
L'oeil dardé par delà le livide brouillard,
De ses ailes de fer rigidement tendues
Il fend le tourbillon des rauques étendues,
Et, tranquille au milieu de l'épouvantement,
Vient, passe, et disparaît majestueusement.


1821 - 1867 - Charles Baudelaire - L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.